Remarque: Cette page représente le projet de livre photo/témoignage sur lequel je travaillerai plusieurs mois et probablement quelques années le temps de réunir suffisamment de profils différents (30 minimum). Ce portrait est donc une promotion du projet afin de motiver ceux qui souhaiteraient se porter volontaires ( me contacter sur bazartdolivier@free.fr dans un premier temps, avant d'envisager une rencontre).
Je remercie Almace d'avoir accepté que son profil soit ainsi mis en ligne.
OliSoti.
Son pays d'origine : Le Pakistan
Son arrivée en France: Le parcours d'un père
Mon père est né à Lahore, au Pakistan. Très tôt, durant ses études il a été attiré par la France et son histoire. Mon père était également impressionné par le métro. Quelques temps après son mariage et l'obtention d'un visa en 1980, il décide, à 23 ans, de rejoindre ce pays qu'il idéalise: "le pays des Lumières". Il rejoint Paris et trouve un premier emploi dans la capitale puis, par la suite, en périphérie. Il apprend rapidement la langue car il souhaite s'intégrer dans ce pays qu'il aime tant. Il me dira un jour: "J'ai l'impression de m'être toujours senti français, proche de cette culture". Discours qui serait probablement plus mesuré aujourd'hui. Car la réalité fut bien différente de la France des livres qu'il avait étudiés. Plusieurs années s'écoulent avant qu'il ne fonde sa propre société dans le domaine du textile en import/export, notamment aux Etats-Unis. C'est alors une période de réussite pour notre famille. Ma mère est "femme au foyer" et s'occupe de ses enfants. Plus tard, mon père cessera son activité pour ouvrir un bazar puis en devenir un employé, n'ayant plus la force et l'énergie de gérer un commerce.
Almace, une jeune femme française ET pakistanaise, de coeur et de culture!
Pour ma part je suis née en France en 1985. Je me sens tout autant française et pakistanaise, les deux cultures sont en moi. Je peux être enthousiaste quand l'équipe de France de foot joue un match et quand le Pakistan fait un match de cricket! Je porte le maillot, les écharpes, je chante... Illustration: Quelques bracelets et tissus pakistanais
Sa ville d'Origine, ses attaches, ses souvenirs :
Tous les cinq ans je me rends dans la ville de Gujrat où se situe la maison familiale et où vit ma grand-mère. Ce lieu est chargé de souvenirs mais c'est aussi un lieu de célébration. Lorsque je m'y rends avec mon mari et mes enfants, tout le monde se réunit pour nous accueillir comme "des rois", famille, amis, voisins... nous sommes alors "ceux venus de dehors" (hors du Pakistan), les " baher se ae hain " (sans aucune connotation péjorative).
C'est aussi l'occasion de participer à des mariages. Là-bas, un mariage dure quatre jours, c'est un évènement festif qui me tient particulièrement à coeur. C'est aussi là- bas que je me suis mariée.
Illustration: Almace tient le cadre de sa photo de mariage
Un parfum, une couleur :
Je garde en moi ce parfum particulier mêlant la pollution des véhicules qui roulent au gaz, les odeurs de fritures des rues vivantes et des étals d'épices ; épices qui offrent des couleurs vives tout comme les tenues et les bijoux des femmes qui vaquent à leurs occupation, le tout dans un climat chaud et humide.
Les habitudes des gens :
Contrairement à la France, les gens gardent leurs maisons ouvertes. Chacun rend visite à ses amis ou voisins et ce, durant toute la journée. Personne ne s'annonce, tout le monde est accueilli et partage un thé et quelques plats. Tout le monde fait bonne figure et preuve d'hospitalité. En tant que française, j'imagine que cela ne doit pas être évident tous les jours! J'aurais du mal à le supporter en France. C'est cependant l'occasion de créer des liens de solidarité assez forts.
Que te manque-t'il de ton pays d'origine?
La famille, les mariages, les bons moments partagés. Heureusement, il y a internet et la communication en visio!
Illustration: détails sur motifs vestimentaires
Que ne regrettes-tu pas?
La corruption où la moindre démarche administrative doit se payer pour accélérer les chances de traitement. Là-bas tout se monnaye.
Quel regard as-tu sur ton pays d'origine?
Je suis touchée par la misère qui existe, une misère sociale où la classe des riches et celle des pauvres est scindée sans juste milieu. Sans appui ni aide extérieure, il est très dur de s'en sortir pour une famille. Les hommes travaillent dur pour rapporter l'argent. Certains partent à l'étranger pour trouver un meilleur salaire et envoyer l'argent à leur famille.
Et quel regard sur la France?
Que de bons souvenirs, mes parents ont peut-être vécu des désillusions mais j'ai grandi sans subir de racisme. Cependant, par le prisme des médias et du témoignage de certains de mes amis, les tensions liées au racisme semblent plus importantes aujourd'hui, un empressions de dégradation sur ce point. J'ai la chance de ne pas y être personnellement confrontée, ni mes enfants.
En quoi ton parcours t'a-t-il enrichie?
Le fait d'être née en France m'a vraiment apporté deux cultures. Je dirais que cela m'a donné de l'ouverture d'esprit. Mes parents ont transmis ces valeurs d'humilité, de sagesse, de paix. Ne porter aucun jugement et ne pas alimenter de situations conflictuelles en faisant profil bas, en laissant de côté toute fierté mal placée. Savoir pardonner. C'est ce que je veux transmettre à mes enfants.
Justement, quels sont tes rêves, tes envies aujourd'hui?
Que mes enfants grandissent paisiblement comme j'ai pu le faire. Qu'ils ne soient pas touchés par les violences et le racisme. A titre personnel, j'aimerais quitter mon emploi d'hôtesse d'accueil pour monter un projet afin de devenir décoratrice évènementielle, pour des anniversaires notamment, mais je dois encore étudier les démarches nécessaires et me fixer des contours précis.
Un message à transmettre?
Oui, pour mes enfants : qu'ils vivent en harmonie, en acceptant et en s'inspirant de tout ce qu'il y a de positif chez les gens, que ce soit sur le plan humain, spirituel ou dans les actes. D'où que l'on vienne, que l'on réponde au négatif par l'amour.
Pour conclure, que souhaiterais-tu dire dans ta langue d'origine?
"Mubarak ho", qui veut dire "félicitation". On le dit à toute personne qui réalise quelque chose ou par exemple qui porte un nouveau vêtement que l'on trouve beau. c'est une façon de mettre en avant la personne lorsque l'on ressent du plaisir à sa réussite ou son évolution, même au travers de petites choses qui semblent simples.
Conclusion, par OliSoti:
Cette rencontre et cet entretien m'ont permis de découvrir en Almace, une personne authentique, paisible et ouverte d'esprit. J'ai pu ressentir chez elle la transmission d'une éducation basée sur le respect, l'humilité et la bienveillance.
J'imaginais initialement que son histoire liée à la France résultait d'un départ poussé par un pays en proie aux violences politiques, sociales ou religieuses, mais il n'en est rien. Le choix de son père m'a surpris, positivement, c'est un message que je trouve beau et encourageant. Il ressort chez Almace une énergie joyeuse mais réservée et la volonté farouche de transmettre à ses enfants cette façon paisible d'aborder la vie et le contact avec ses prochains, et ce, quelles que soient leurs origines et leurs convictions, religieuses, spirituelles ou philosophiques.
Le Pakistan m'apparaît être un beau pays où les gens sont accueillants et ont la main sur le coeur même s'ils n'ont pas grand chose pour certains. Ce premier portrait me laisse à penser que j'aurai souvent ce genre de ressenti. Et malgré les évènements tragiques qui s'y produisent, la vie continue et quelque part, les gens se sont habitués aux risques...
Il est important de laisser de côté ses préjugés, bien souvent transmis par le prisme médiatique, dont l'orientation n'est que le fruit d'une position géopolitique de nos dirigeants. Ceci, je le laisse volontiers de côté. Je repense également à cette générosité à laquelle nous ne sommes pas habitués, trop méfiants et sur la défensive que nous sommes, lorsqu' Almace me parlait des petits mets culinaires qu'elle préparait et offrait, sans attente de retour, à ses voisins de paliers (et d'étages) et qui, peu à peu, se sont habitués et ont sympathisé.
Ce que je retiendrais et dont je suis déjà intimement convaincu: n'aurions-nous pas tous à y gagner d'ouvrir plus facilement le dialogue avec son prochain?
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